Je suis Nathalie AZER, 39 ans, danm bèlè, auteur-compositeur-interprète, plus connue sous le pseudonyme de Natly au sein de Lawonn Bèlè. Bien que certains tendent à m’appeler Man Atifi, depuis la sortie de l’album sorti il y a 2 ans. J’ai foulé ma première scène artistique à l’âge de 8 ans au Grand Carbet lors d’un concours intitulé « Poutji pa yo » , grâce à la politique culturelle mise en place par Aimé Césaire. Ma formation initiale relève essentiellement du chant choral puisque j’ai intégré très tôt la chorale du collège de Coridon auprès de Claudy Largen, celle des scouts dirigée par Jacqueline Rosemain. Les musiques qui m’ont inspirées avant tout sont la soul, la musique R’n’B, le hip hop, le gospel. Rien ne laissait présager qu’un jour je m’intéresse à la culture bèlè. C’est finalement ma quête identitaire qui m’aura orientée vers de nouvelles expériences telles que celles avec l’Orchestre des Ballets Pro-Caribéens avec Willy Joséphine, Tafia Kanfré en présence de Christian Boutant, Thierry Lof, Jules Simoneau, Bèlènou auprès d’Edmond Mondésir et plus récemment Bélya qu’elle rejoint sous les recommandations de Jimmy Thomasy.
En 2005, une amie m’a proposé d’intégrer le groupe Caraïbe Folklore. J’y suis restée pendant une année. Si les danses de salon me plaisaient, les danses de tambour m’ont fascinée et c’est à ce moment que j’ai eu ce déclic cet appel du tambour, que nous avons tous ressenti un jour. Vous savez très certainement de quoi je parle.
Par la suite, j’ai suivi des cours de tambour à l’association sportive et culturelle de Lestrade du Robert avec Marco Lagier et Thierry Ramaël. Du tambour, je suis passée à la danse, de la danse au chant, tel a été mon parcours initiatique.
Le bèlè a d’abord été une passion, un loisir. Je ne me suis en réalité engager que récemment, puisque je fais désormais partie de l’équipe d’animation de l’école de Lestrade. J’essaie de donner de mon temps au moins une fois par semaine en tant que chanteuse. C’est très enrichissant, cela contribue à ma formation continue. J’ai encore énormément à apprendre auprès de Saimbert Lahély, un chanteur discret, bénévole, qui donne de son temps et qui a un répertoire inestimable. En l’écoutant, je continue de me former.
J’ai cotôyé les Gran Zansyen par l’intermédiaire d’Edmond Mondésir, notamment Félix Casérus, Benoît Rastocle, Paul Rastocle. J’ai particulièrement apprécié une collaboration commune lors de l’enregistrement live de l’album « Bèlè, tradition et création » commercialisé par France Radio, une pépite artistique réalisée par Edmond Mondésir. A leurs côtés, j’aurai été sensible au bain artistique dans lequel j’ai été plongée du point de vue textuel, mélodique et rythmique. Parmi les anciens, j’ai particulièrement apprécié le contact avec Constant Vélasques, un homme engagé dans la transmission, plein d’anecdotes les unes aussi drôles que les autres. Il m’a aidée à poursuivre mon initiation rythmique et permis d’approfondir mes connaissances relatives à Lawonn Bèlè. Un chanteur confirmé m’a également conseillée dans la pratique du chant bèlè, Christophe Frontier lors de ma participation à son album Doubout Dwet kon pitjet.
J’ai commencé à chanter lors d’un moman bèlè sur l’îlet madame avec les membres de Lestrade. J’ai eu une sorte d’inspiration divine ce jour, j’ai écouté cette petite voix intérieure et j’ai improvisé le titre « Biguiné » qui est le premier titre de l’album Man Atifi. C’était comme une évidence.
A l’époque, je composais d’autres genres musicaux. J’avais compris que le chant bèlè était très codé et je m’interrogeais sur la capacité à créer, à composer. Cela me semblait être un exercice difficile. Je pense que c’était pour moi une forme de défi.
Peut-on réellement parler de bonnes chanteuses bèlè ? Nous le savons le bèlè est un réel voyage initiatique et je dirai plutôt qu’il y a des chanteuses « en devenir », « assou chimen », des chanteuses confirmées. Tout le monde a sa place dans lawonn bèlè. Si cette chance ne m’avait pas été accordée à Lestrade, je n’aurais sans doute jamais chanté. J’ai été encouragée par Marco Largier, accompagnée, conseillée notamment par Thierry Ramaël, qui m’incitait à écouter davantage les albums des anciens, à travailler la modulation de ma voix. J’ai mis mon égo de côté, j’ai tenu compte de ses remarques.
Une chanteuse bèlè doit:
• s’imprégner des référentiels rythmiques et mélodiques que nous devons absolument conserver pour assurer une transmission correcte de cette pratique endogène.
• être à l’écoute, être guidée par un mentor. Nos anciens s’en vont et chaque être qui s’éteint s’en va avec son répertoire bèlè. Il nous faut enregistrer, répertorier, partager les textes.
• faire ses preuves dans les moman bèlè avant d’intervenir dans les soirées bèlè, respecter l’ordre de passage des chanteurs en laissant la priorité aux grands anciens
• elle doit également s’intéresser aux différents rythmes « Lalinklè », bèlè lisid, lavwa bèf. En disant je réalise que je n’en suis qu’à mes débuts. Cet apprentissage est essentiel pour la survie de nos soirées bèlè. Les albums et ouvrages référentiels de l’AM4 sont d’une très grande aide.
• tel un dj, elle doit en amont préparer son répertoire chanté, travailler les transitions, être consciente de l’énergie qu’elle va transmettre, être dans de bonnes dispositions.
• Il est important également qu’elle participe à la création, qu’elle marque son époque en laissant des œuvres qui lui propres et qui valorisent la femme en tant qu’être qui donne la vie.
Photos: Anja Beutler, www.anjabeutler.de
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