Interview de Barbara Prézeau-Stephenson

Je pense explorer des chantiers nouveaux, hors des sentiers battus, des convenances et des clichés attendus sur la Caraïbe, sur l’art des femmes...

Photo: Anja Beutler, www.anjabeutler.de

05 Mar 2021

Origines

1) Quels legs de tes ancêtres et quelles références féminines (mère, grand-mères, tantes, autres référentes féminines) est-ce que tu incorpores/portes ou sens en toi ?

Je suis née : Marie Elisabeth Barbara Stephenson. Prézeau est le nom de famille de ma mère que je reprend comme nom d'artiste. Mes « ancêtres » sont aussi des personnages de l’histoire d’Haïti, de la colonie de Saint-Domingue et de la jeune République d’Haïti au 19ème siècle. Je trouve des traces de mes aïeules, remontant au 18 ème siècle. Ceux sont des femmes de couleurs, libres, indépen-dantes exerçant une activité commerciale, principalement associée à l’histoire du café. Je pense que cet héritage d’indépendance a été transmis à mes deux grand-mères.J’ai aussi eu la chance de grandir dans une grande maison familiale, où cohabitait quatre générations de femmes. Mon arrière-grand-mère, Véronique Henri qui m’a gardée jusqu’à l’âge de 3 ans, avant que j’aille en école maternelle, était une négresse, créolophone, fille de paysan aisés de la Croix-des-Bouquets. Elle m’a transmis la connaissance des plantes et de leurs vertus médi-cinales. Son influence sur moi a été très profonde, avant que j’apprenne à lire dans les livres en français.

2) De quelle manière ce/ces legs de tes ancêtres et ces références féminines se manifestent-ils/elles dans ta forme d´expression artistique?

Ma mère, Micheline Prézeau est artiste peintre et elle a tenu une galerie d’art pendant 14 ans. J’ai aussi des mères spirituelles, comme la femme peintre haïtienne, Rose Marie Desruisseaux, mais aussi des femmes qui ont été déterminantes dans ma carrière artis-tique, comme l’historienne d’art et professeure, cubaine Yolanda Wood. Au cours de mon séjour au Sénégal de 1993 à 1995, j’ai été également prise en affection par une très grande dame haïtienne, la comédienne Jaqueline Scott Lemoine qui m’a ouvert les portes de ce pays d’accueil. Toutes ces femmes ont tracé une route que j’ai suivi. Dans mon travail artistique, c’est leur exemple de persévérance qui m’inspire. L’idée de suivre un cheminement propre, même lorsqu’il est difficile. Je ne suis pas dans la facilité et ne me cantonne pas dans mes zones de confort. La création est une prise de

3) Que souhaites-tu transmettre à ta fille, ta nièce et/ou de manière générale aux femmes plus jeunes?
L'indépendance. La liberté. Le ciel est notre limite. Nous irons où nous voudrons

Identité

4) Comment se manifeste le matrimoine dans tes formes d’expression artistique ? Comment le vis-tu dans ton art ?

La construction du « genre féminin » est au cœur de mon travail. Je fais des performances qui renvoient aux travaux attribués traditionnellement aux femmes, la couture, la brode-rie, les métiers du textile et récemment les « tresses ». Ma dernière œuvre, « Tresses/Montréal » est une performance d’une durée d’un mois, ou j’ai tréssé au quotidien, des cheveux artificiels jusqu’à la réalisation de 255 mètres linéaires de nattes. L’œuvre finale
est une sculpture verticale mesurant 5 mètres de hauts et constitué de 55 nattes tressées. Une vidéo est également réalisée en tant qu’œuvre autonome.

5) Quelle contribution penses-tu apporter au matrimoine caribéen par la pratique de ton art ?
Je pense explorer des chantiers nouveaux, hors des sentiers battus, des convenances et des clichés attendus sur la Caraïbe, sur l’art des femmes etc. La vraie reconnaissance des artistes femmes est un véritable combat. Les femmes sont peu représentées dans les col-lections muséales et dans les grandes expositions. L’exigence de parité n’est pas encore un réflexe chez les commissaires d’expositions.




Pour en savoir plus sur Barbara Prézeau-Stephenson, cliquez ici



Vos suggestions/réclamations/propositions en rapport avec ce portail