Taoura (nom d'artiste) (Guyane Française)

J’ai toujours ressenti que je devaiscontribuer àchanger le monde, guidée parun sentiment d’empathie et d’indignation.Tout ce que je développe dans ma vie est mis au service de cet objectif: les arts, le politique, la spiritualité. En tant qu’enfant je nouais des solidarités avec les élèves les plus exclus ou les plus méprisés de la classe. Je les défendais en utilisant mon statut privilégié de «bonne élève»: je faisais de la médiation de conflit dans les cours de récré en primaire, j’aidais mes camarades à tricher pendant les évaluations au collège, et au lycée, en tant que déléguée, je prenais des positions à contre-courant en citant Bourdieu ou j’organisais le blocus de l’établissement.

Je dessine depuis que j’ai l’âge de tenir un feutre dans ma main. C’est avec des feuilles et des couleurs que j’ai cultivé mon jardin intérieur.J’ai pris des cours de dessin durant sept années avec Patricia Alary, dans le havre de son atelier de Louzouer dans le Loiret. Avec elle j’ai appris à observer, reproduire, utiliser le pastel sec et explorer ma sensibilité.

Adolescente, j’ai été initiée au maraichage biologique dans une petite ferme irlandaise.
En République Dominicaine j’ai découvert la danse caribéenne. J’entrais en transe, dans des sortes de rituels nocturnes de réappropriation de mon corps et de ma féminité. Cette ferveur ne m’a plus jamais quittée.

Je me suis engagée corps et âmesau service de combats anticapitalistes, anticolonialistes et féministes en France, en Palestine, au Mexiqueet au Burkina Faso. J’ai été profondément transformée par ces mouvements de libération, mais surtout par la façon dont ils s’incarnent comme un art de vivre. Sumuden arabe signifie «Exister c’est résister,résister c’est exister».Ces trois voyages m’ont inspiré des poésies et trois portraits de femmes en lutte exposés en 2019 en Guyane.

J’ai suivi des études à Science Po avec la volonté de rentrer dans une institution impérialiste (FMI, banque mondiale) afin de changer les choses de l’intérieur, tel un verre dans une pomme. Mais face au cynisme général vécu au sein de cette grande école, j’ai pris conscience des limites de mon engagement. J’ai alors décidé d’aller vers des métiers et des formations qui me «font du bien» afin de me rendre utile dans ce que je fais de mieux.Je me suis donc réorientée dans le secteur du social et de l’animation sociale. J’ai obtenu un deuxième Master de travail social à l’Université de Guyane. J’ai d’abord travaillé dans un centre social itinérant d’un quartier précaire de l’Ile de Cayenne, puis j’ai dirigé des colonies de vacances pour les jeunes du Haut Maroni et du Haut Oyapock. Ces séjours constituent des opportunités de créer avec les enfants des micro sociétés féeriques en dehors des règles du jeu social hégémonique.

Je mène parallèlement une thèse de Science Politique dans laquelle j’analyse l’intersectionnalité des privilèges de classe, de genre, de race et d’âge des grandes fortunes en Guyane. C’est à la fois une recherche universitaire et une quête personnelle de déconstruction des rapports de domination. Le caractère solitaire de ce travail m’a également mis face à un besoin de paix intérieure accru et m’a permis d’éprouver à quel point «changer le monde c’est se changer soi-même». Pour ce faire, j’ai demandé de l’aide car le chemin est escarpé et ne finit jamais tout à fait. J’ai pansé mes plaies intérieures, j’ai appris à écouter mon corps et mes intuitions, je me suis connectée à la lune et à la mer, je me suis rencontrée.

Pour l'interview de Taoura (nom d'artiste), cliquez ici

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